La méditation qui change la
vie
A ji Kan
La vie moderne nous pousse à l’individualisme, les gens qui ne
connaissent pas la loi du karma croient que pour réussir, il faut penser
d’abord à soi-même, d’après eux c’est une attitude réaliste que d’être égoïste.
La contre parti de cet endurcissement intérieur face aux besoins et à
la souffrance des autres est l’augmentation de la saisie dualiste de l’ego d’où
une sensation d’enfermement, de solitude, de tristesse qu’aucun bien matériel de ce monde ne pourra
jamais satisfaire.
A l’opposé celui qui suit la voie du Bouddha purifie son cœur de ses
passions, il agrandit sa compréhension du monde parce qu’il pense d’abord au
bonheur des autres, c’est un esprit ouvert qui au lieu de ruminer du
mécontentement et des désirs insatisfaits veut devenir stable comme Foudô-myôô.
Le calme de l’esprit obtenu par une vie retirée de l’agitation stérile du monde
lui permet d’affiner sa sensibilité et son univers intérieur s’agrandit lui
permettant de communiquer avec la totalité de la vie. Résumons cela en disant
que l’égoïsme et la dureté enferment sur soi, la bonté et la finesse d’esprit ouvrent
le cœur et apportent le bonheur.
Avec le temps les conséquences de ces deux attitudes si différentes se
renforcent sur le caractère et oriente l’évolution de la vie.
Pour quel idéal
vivons-nous ?
Si en occident et en orient, il y a une désaffection de la jeunesse
pour le religieux, c’est que les causes de dispersion sont devenues nombreuses,
la société valorise les futilités, l’activité physique ou intellectuelle en
déconsidérant la recherche intérieure contemplative.
Du point de vue de l’éducation, les parents pensent avant tout au seul bien
être matériel et au développement intellectuel de leur enfant parfois considéré
comme un roi.
Ils veulent sa seul réussite dans les études mais ils oublient parfois
de lui enseigner des règles de savoir vivre élémentaires ou des principes moraux
parce que cela parait désuet, voire de limitant pour l’épanouissement de
sa personnalité. Ce n’est pas un
facteur de réussite personnelle pour un enfant que d’être élevé sans contraintes,
sans frustrations, il risque de devenir un égoïste prétentieux qui ramène tout
à lui et personne ne veut travailler avec ce genre d’individu.
Adolescent, il s’agit de découvrir le monde et
c’est l’occasion de faire des expériences qui parfois salissent le cœur et il perd
de sa sensibilité pour s’endurcir au contact de la vulgarité.
Même les dessins animés exercent très tôt une influence, les enfants
veulent se sentir fort et ils ont des super héros. Il y a une quinzaine
d’années un professeur m’a dit que le caractère des enfants dans les petites
classes était devenu beaucoup plus dur.
Ils sont influencés par les modèles que les films, la télé et les jeux
vidéo impriment dans leur subconscient. La croyance globale est que la vie est
un combat entre le bien et le mal, moi contre les autres et qu’il faut donc être
le plus fort et le plus malin.
Vouloir dominer c’est assez mesquin, cela ne rend pas sage et heureux
et cela ne donne pas un sens à la
vie comme de vouloir faire du bien au service de l’humanité.
En quoi croyons nous ? Pour quel idéal serions nous prêts à
sacrifier notre vie ?
Les anciennes générations ont été élevées avec un système de valeur
plus paisible, enseigné par les livres de conte qui avait une fin juste,
équitable où le respect de la vérité et la bonté envers les plus petits était récompensé.
Il y avait la notion d’une intelligence bienfaisante supervisant chaque
destinée, rétribuant le dévouement et châtiant la méchanceté.
Les héros antiques se sacrifiaient pour le bien de tous ou pour
sauvegarder quelque chose d’infiniment précieux, le lien avec Dieu qui permet à
la vie de s’exprimer harmonieusement dans ce monde. Ils mouraient mais ils renaissaient à une
autre réalité et devenaient immortels.
La vie, c’est la communication, mais pas celle
où les hommes s’isolent devant leur ordinateur car ils se mentalisent et
perdent la sensibilité du coeur. Rien ne peut remplacer le contact humain
direct, l’expérience de l’amitié et de l’amour. Pour grandir intérieurement, il
faut aimer et accepter de souffrir d’aimer.
Quand les hommes ont fait trop de mauvaises
actions leur cœur se ferme complètement. Ils deviennent sourds et aveugles aux
choses subtiles de la vie et ils pensent alors qu’elles n’existent pas. Ils se
disent athées parce qu’ils ont besoin d’être rationnels, ils veulent croire pour
se rassurer qu’ils peuvent tout faire avec leur intelligence et leur volonté,
tout contrôler par la science. Le jour où ils sont malades ils commencent à se
poser des questions mais il est alors trop tard.
Si la compréhension qu’on a du monde dépend uniquement de ce que les
machines peuvent mesurer, quelle
limitation ! Au 21°siècle les progrès scientifique s’accroissent mais il y
a une sorte de retour au moyen age au niveau de la sagesse. Ceux qui sont trop
rationnels sont en fait très bornés, ils ne peuvent comprendre l’idéal des
religieux qui recherchent la connaissance intérieure en affinant la sensibilité de leur cœur. Cette
recherche demande de maîtriser ses réactions instinctuelles et de la lucidité pour remettre en cause
ses croyances sur sa propre identité.
Kôbô-daïshi disait : « L’illumination, c’est connaître son
cœur tel qu’il est ».
Le philosophe grec Socrate indiquait que sur le temple de l’oracle de
Delphes était inscrit « Connais-toi toi même et tu connaîtras l’univers et
les dieux ».
Les rencontres de la vie
Un petit gland peut-il comprendre toutes les
étapes qu’il devra franchir avant de devenir un grand chêne ? La
connaissance suprême c’est de réaliser que l’univers est un seul esprit au
niveau ultime, Daïnitchi-nyoraï qui gère globalement la vie.
La grande compassion, c’est reconnaître sa
présence dans tout ce qui existe même un insecte. En attendant d’atteindre la
sagesse omnisciente du vide nous vivons dans la perception de ce monde relatif et il convient de
respecter les règles sociales pour y vivre ensemble en harmonie. Mais si nous
savons que nous sommes tous unis par le cœur au Bouddha solaire, Daïnitchi-nyoraï,
nous pouvons le remercier d’orienter notre vie et de choisir pour nous les
rencontres qui feront mûrir notre cœur immature.
Si nous croyons que le Bouddha est dans chaque
être, c’est se conduire en sage que de savoir écouter les avis même du plus petit
qui peut nous prévenir de quelque chose d’important, parce qu’il a une autre
vision sur la vie.
Ce n’est pas ce qui nous arrive qui est
important, c’est ce que nous en faisons intérieurement.
Les expériences désagréables peuvent nous
permettre de mûrir et de savoir ce qu’il faut faire ou dire pour être utile.
Méditer permet de prendre conscience de toutes
les pensées qui agitent notre cœur.
Plus on approfondit la connaissance de soi
même, plus on ressent les liens qui nous unissent avec la nature mais aussi
avec tous les êtres dans les mondes visibles et invisibles.
Nous nous influençons constamment par la
pensée, parfois en bien parfois en mal .
Si nous priions et méditons, nous pourrons
plus facilement reconnaître les mauvaises influences parce que nous nous
sentirons immédiatement mal à l’aise.
Nous aurons plus de force pour les rejeter
comme des tentations et resterons toujours libre de choisir de faire du bien
plutôt que du mal et notre destin s’en trouvera à la longue modifié.
Le test infaillible sur notre réalisation
véritable de l’unité, c’est que nous
progressons dans le détachement en apprenant à pardonner les fautes des
autres à notre égard. Même les méchants
Sont utiles pour développer nos qualités, en fait ce sont des amis
venus nous purifier de notre mauvais karma.
Celui qui sait reconnaître sur le bord du chemin de sa vie des pierres
précieuses s’enrichit, alors que les autres passent en croyant que ce sont des
cailloux.
Le sac des émotions
Nous ne sommes pas obligés d’être l’otage toute notre vie d’une enfance
douloureuse, méditer permet de prendre le contrôle de son propre esprit et de
devenir heureux de vivre, libre et conscient, responsable de ses choix.
Pour cela il faut s’alléger du sac des émotions refoulées qui étouffent
notre joie intérieure.
Quand nous avons un choc dans la vie quotidienne, nous nous arrêtons
spontanément de respirer par un mécanisme de défense pour rester lucide.
L’apnée bloque et empêche l’émotion de nous envahir vers le haut, c'est-à-dire
de submerger notre conscience.
On dit en français « J’ai été surpris, cela m’a coupé le
souffle».
Par contre quand l’émotion monte et submerge la volonté, on peut
entendre comme justification « J’ai vu rouge et je ne savais plus ce
que faisais, c’est alors que j’ai frappé mon adversaire ». Il n’y a pas de
frustration mais souvent après beaucoup de regrets.
Ne pas réagir à chaque agression peut être utile, vis-à-vis d’un
supérieur irascible pour garder son emploi. Mais à la longue, une accumulation
de blessures et d’humiliations peut amener à la dépression et pousser à des
attitudes suicidaires, alcoolisme, accidents à répétition, automutilation etc.
Nous ne pouvons pas nous aimer nous même, si tout le monde nous renvoie une
image négative et si nos meilleures intentions sont mal interprétées.
Des expressions comme, « j’en ai plein le dos », « j’ai
gardé cela sur l’estomac » signifient qu’on ne peut plus supporter une
accumulation d’émotions non exprimées. Parfois il vaut mieux quitter un
conjoint tyrannique ou un travail où l’ambiance est malsaine plutôt que de
devenir ou de rester malade.
Dans certaines situations, il n’y a pas de bon choix possible, soit on
perd quelque chose de matériel, soit on perd le respect de soi même en
abandonnant ses principes moraux, ou des repères affectifs etc. Par exemple
quand le patron oblige les employés à mentir et être malhonnêtes sous peine de
perdre un avantage social ou leur emploi, ou encore quand il y a des
infidélités conjugales et qu’on fait semblant de ne pas savoir pour préserver
la stabilité familiale à cause des enfants.
Souvent le subconscient sait des choses que le conscient refuse de voir
mais le corps lui réagit plus directement, des maladies de peau peuvent
apparaître (Psoriasis) ou des douleurs du dos ou plus grave encore une dépression
qui pousse au suicide, parce qu’il y a pas d’écoute, de dialogue, de respect et
pas d’autre solution que de partir.
Les rêves de la nuit qui suit un choc ou un conflit permettent de se
libérer d’une partie de ses tensions en imaginant des solutions ou des
compensations, mais parfois il y en a trop, trop souvent, ou trop graves.
Parfois les émotions se fabriquent à posteriori par l’imagination,
elles ne s’appuient sur aucune réalité historique. « Et si à ce moment là,
le chien avait mordu ma fille ?», Le chien ne pensait qu’à jouer
gentiment, mais certaines gens sont de vrais experts pour faire leur propre
malheur en ruminant des pensées de peur, de haine qui les empoisonnent autant
que si elles étaient fondées sur des faits réels et ainsi ils peuvent justifier
leur tyrannie protectrice auprès de leur proche.
Parfois des émotions quand elles sont accumulées et refoulées pendant
longtemps peuvent s’organiser pour créer des angoisses qui vont être déplacées
dans des situations très variées, comme la peur de rouler en voiture, de
prendre l’avion ou d’être enfermé
dans un ascenseur etc. Ainsi on oublie la cause véritable du stress, et on
continue à subir. Une émotion peut avoir une vie autonome et déformer la
manière de percevoir le monde parce qu’elle peut être stockée par le cerveau
droit qui pense par analogie. Il peut faire des rapprochements illogiques et
créer des réactions émotives disproportionnées devant des faits mineurs mal
interprétés. Les gens très rigides psychologiquement ont beaucoup de principes
moraux, ils sont dirigés par leur cerveau gauche rationnel, coupés de leur
inconscient émotionnel, ils ont souvent occulté leur passé culpabilisateur et
ne comprennent pas pourquoi ils réagissent par des bouffées de colère ou
d’angoisses incontrôlables dans certaines situations.
Le remède de la méditation
Le Shingon enseigne la méditation sur une image simple, une lune
blanche sur un fond noir.
Il est donc facile de se concentrer en même temps sur un point à deux
travers de doigts en dessous du nombril tout en ayant en continue une respiration
abdominale lente et profonde. Cette respiration appelée « Su soku kan» fait
circuler l’énergie vitale dans le ventre qui est une sorte de cerveau
émotionnel où sont refoulés des événements douloureux parce qu’à l’époque nous
n’avions pas les moyens ou la maturité pour y faire face.
Maintenant ces regrets, tristesses ou colères rentrées continuent à
agir sur notre psychisme et notre corps comme un poison qui peut à la longue
rendre malade.
Chaque type d’émotion réagit plus à certains points du corps, par
exemple la tristesse atteint les poumons, la colère le foie etc.…
Pour s’en débarrasser, il suffirait de parler mais c’est difficile de
trouver quelqu’un d’attentif et de confiance et nous préférons cacher ce qui
nous a fait mal plutôt que de le revivre. Souvent nous avons honte d’avoir subi
des sévices sans réagir.
La méditation sur la lune est un remède merveilleux pour se libérer soi
même. Après vingt minutes environ, le mental s’ennuie parce qu’il manque de
nouvelles informations. Comme il a horreur du vide, il va créer de l’agitation
en faisant resurgir du subconscient des émotions oubliées de longue date. Elles
apparaissent sous formes d’images qui se superposent à l’image de la lune. La
méditation doit nous permettre d’accueillir sans jugement tout ce qui monte à
la surface, il ne s’agit pas de les nourrir par de nouvelles ruminations
affectives, des regrets etc. mais de les considérer comme des rêves, des
constructions du mental illusoires en recentrant toujours l’attention sur
l’image de la lune devant soi et en continuant la respiration lente et profonde
en dessous le nombril qui agit comme un soufflet.
Les émotions et les souvenirs montent puis se dissolvent les uns après
les autres en quelques minutes comme de la vapeur qui sort d’une cocotte minute.
Une émotion libérée fait de la place pour une qualité qui apparaît, son énergie vitale va alors éveiller le
sommet de la tête pour devenir une qualité transcendante.
Il faut du temps pour vider entièrement son esprit comme on vide une
poubelle, des mois, peut être quelques années. Mais c’est un moyen très
agréable qu’on peut utiliser toute sa vie pour s’harmoniser soi-même chaque
jour après le travail.
Les gens croient que méditer sur le vide, consiste à ne plus avoir de
pensées.
C’est vrai qu’il est possible de calmer l’esprit à un point où il n’y a
que de la lumière pure, mais après une longue pratique de plusieurs années !
Pour des débutants, il est normal que des souvenirs remontent à la surface, c’est
le signe que le travail de nettoyage commence à être efficace.
La méditation est le remède qui permet un grand nettoyage en profondeur
du subconscient.
C’est une psychothérapie merveilleuse qui transforme la relation à la
vie. La confiance en soi revient et on devient disponible pour de nouvelles
expériences. Matsumoto senseï disait qu’en priant on enlevait les lunettes au
verre coloré de l’insatisfaction.
Stabiliser l’esprit par la
pratique des cinq éléments
D’après les enseignements bouddhistes tout l’univers est composé de
cinq éléments.
Ce sont les cinq éléments, la terre, l’eau, le feu, l’air et l’éther
qui ont chacun une forme et un son symbolique.
La terre un carré jaune et la lettre « A », l’eau un cercle
blanc et la lettre « BA », le feu un triangle rouge et la lettre
« Ra », l’air un demi cercle noir et la lettre « KA »,
l’éther une boule bleu ou de couleurs mélangée et la lettre « KYA ».
Dans le Shingon, on imagine que ces cinq lettres sont disposées dans le
cercle de la lune et on peut les répéter soit une lettre après l’autre soit les
cinq lettres de suite en imaginant qu’elles tournent dans un sens ou dans
l’autre dans notre coeur.
Le but de la pratique est de décomposer l’énergie de chaque élément
perturbateur, désirs, souvenirs douloureux, obsession, etc. en chacun des cinq
éléments pour effacer sa charge émotionnelle. Un événement bon ou mauvais
n’existe dans notre mémoire que si on lui accorde de l’importance sinon on
l’oublie. Tout est dans notre manière d’enregistrer un souvenir, en changeant
son écriture on modifie l’émotion qui va avec et on obtient la paix.
Par exemple, si un texte littéraire nous émeut mais qu’on lui enlève
toutes les lettres « a », il va devenir difficile de s’y
attacher. Si un tableau montre un incendie de manière dramatique, il suffit de
changer la couleur rouge des flammes en bleue et il devient moins crédible.
Pouvez vous imaginer une image terrifiante ou triste uniquement avec
des couleurs pastelles jaune, roses et bleues ? C’est impossible car la
souffrance et la peur sont crées avec des couleurs très marquées, noires,
rouges, vertes foncées avec des sensations de dureté, de coupure et des sons
rauques ou disharmonieux.
La méditation va libérer toutes les tensions en changeant seulement les
énergies internes, elle agit comme une douche qui enlève les couleurs
agressives. Il n’est pas nécessaire de vouloir revivre des souvenirs concrets
consciemment, ce n’est pas de la psychanalyse, on deviendra plus heureux sans
savoir pourquoi. Le sombre triste lourd s’en va, le clair joyeux léger vient
par décoloration globale.
Les mantras agissent comme ces cinq éléments, ils ouvrent des portes à
différents niveaux du corps en haut et en bas. Ils font circuler les
énergies et remobilisent toutes les pensées ou les émotions enfermées dans le cerveau émotionnel du
ventre pour provoquer des crises de doute ou des larmes, pendant les périodes
d’ascèse. Quand cela se produit, c’est très bon signe, le travail agit, même si
c’est désagréable sur le moment.
Les mantras transforment non seulement l’énergie en soi et mais
agissent aussi à distance chez les autres et si par exemple on se concentre sur
des souvenirs douloureux en se rappelant le visage des gens qu’on déteste et en
souhaitant malgré tout leur bonheur, petit à petit tout va être gommé, et on
deviendra indifférent, puis on pardonnera. Enfin, il y aura une réaction
positive chez ceux qui nous ont faits du mal, difficile de dire laquelle mais
on peut penser qu’elle sera une ouverture et que la situation évoluera. Le père
pardonnera, les enfants comprendront les faiblesses de leurs parents, tout est
possible et mystérieux, surtout si on prie Kangi-ten qui agit en profondeur sur
le cœur.
Ascèse dans la nature
Un texte initiatique « la table d’émeraude » dit « Tout
ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, tout ce qui est en haut est
comme ce qui est en bas pour faire le miracle d’une seule chose. Toutes ces
choses sont nées de l’un par adaptation. Le soleil est le père, la lune la
mère, le vent l’a porté dans son ventre, la terre est sa nourrice ».
La nature n’est pas de la matière inerte, des cailloux et du bois sans
âme, c’est le corps vivant du Bouddha, en s’unissant à ce corps cosmique appelé
Dharmadatu on se libère de ses imperfections et on se recharge dans le grand
courant de la vie.
Ils existent beaucoup de pratiques de purification au Japon par des
ascèses physiques, longue marche dans des montagnes sacrées, ascension,
aspersions d’eau froide sous les cascades ou dans la mer en poussant de grands
cris. Parfois en hiver, je vois des gens marcher la nuit pieds nus sur le sol
glacé du temple de Hôzanji en répétant le mantra de Kangi-ten et ils saluent à
chaque fois qu’ils passent devant le honzon. Il s’agit toujours de mobiliser
les énergies du ventre par un exercice physique sévère et ainsi de briser les
obstacles émotifs qui bloquent la remontée des énergies vitales vers le sommet
de la tête.
Si on pratique la méditation sur le vide chez soi avec régularité et
constance comme un train qui passe chaque jour à la même heure, en renonçant à
sortir dans le monde pour se distraire c’est déjà une grande ascèse, surtout si
on y associe de faire des prosternations pour mobiliser le corps. On peut aussi
nettoyer le temple avec un balai, une serpillière et de l’eau et répéter des
mantras. Tout peut devenir un acte magique cela dépends de notre foi et de la
profondeur de notre vision.
Près du temple de Hôzanji à
Ikoma, plusieurs cascades célèbres sont appelées par des noms de dragon,
et plusieurs fois, j’ai fait des brefs séjours dessous la douche glacée en
hiver tout en répétant le sutra
Hannya shingyo.
Après, on se sent bien et j’ai l’impression que cela permet d’atteindre
des zones difficiles à nettoyer dans le subconscient, c’est sans doute l’effort
de supporter la douleur qui compte.
Il faut quand même pas exagérer et ne pas rester trop longtemps et si
possible prendre un bain très chaud après pour relancer la circulation sanguine
en soi, sinon on risque de devenir malade. Si les ascèses donnent des fruits
dans le monde concret c’est parce qu’elles sont la manifestation d’une maturité
intérieure qui a construit dans l’invisible des corps de lumière. Ceux-ci se
manifestent ensuite en modifiant l’environnement du lieu de manière mystérieuse
par affinité énergétique. Si on entretient une pensée en bien ou en mal à la
longue elle se matérialisera. Tout vient au bon moment à qui sait attendre et
il vaut mieux travailler sur soi
plutôt que de se plaindre et d’accuser le monde entier d’injustice.
A la longue nous avons ce que nous méritons, si cela tarde à venir il
faut chercher en soi ou dans son environnement les facteurs limitants qui
empêchent le succès. Il faut être clair dans ses objectifs, qu’il n’y ait pas
une partie en soi qui veut une chose et une autre, une autre chose surtout si
elles sont incompatibles. Notre énergie est limitée, nous ne pouvons tout faire
et tout avoir en même temps, il faut donc savoir ce qui est pour nous le plus
important. Les échecs viennent souvent d’une mauvaise manière de concevoir la
relation aux autres. Par exemple dans une entreprise, un besoin de domination
d’un cadre peut faire fuir les meilleurs éléments et faire venir les faibles
soumis, sans force de caractère donc sans esprit créatif ou responsable.
Pour se transformer intérieurement ou réussir dans une activité
mondaine, il faut mobiliser toutes ses forces et « Tenir l’ascèse». Si on
pratique avec constance malgré le froid, la maladie, la douleur, la faim, le
manque de sommeil, le mépris et les calomnies des imbéciles qui ne font rien et
qui souhaitent nous voir échouer juste pour justifier leur inertie, le karma se
dissout et il se passe de grandes choses dans le cœur.
Le monde des Bouddhas se révèle et le succès dans le monde vient peu
après.
Faire des vœux est une activité qui oriente l’énergie de l’esprit pour
le présent et le futur, c’est très important de faire des vœux pour le futur.
C’est comme planter des racines de plantes qui vont apporter le bonheur et
d’heureuses rencontres plus tard.
Pendant les rituels on fait les cinq grands voeux : « Je
fais le vœu de sauver tous les êtres vivants , de pratiquer les six paramitas,
d’apprendre les vérités du dharma , de servir tous les bouddhas , d’atteindre
l’illumination non seulement pour moi mais pour aider tous les être»
Concernant ma propre vie, je pense que j’ai du faire dans mes vies
passées souvent le vœu de toujours pratiquer le dharma auprès des grands
maîtres bouddhistes. Bien que je sois né en France, à un moment tout s’est
organisé d’une manière mystérieuse pour me faire rencontrer le Shingon. Les
amis, les livres, les statues, les objets de rituel et surtout les meilleurs
maîtres, tout est arrivé au bon moment mystérieusement. C’est rare et précieux
de rencontrer des vrais maîtres qui enseignent des rituels secrets. Il faut qu’ils
voient plus loin que nos défauts actuels et connaissent les secrets de votre
cœur pour nous faire confiance.
Le sens de l’unité
Les quatre qualités appelées incommensurables qui définissent l’idéal
du saint bodhisattva sont la bonté, la compassion, la joie, et l’abnégation,
elles reflètent la valeur réelle d’un individu quelque soit sa religion bien mieux
que tout diplôme ou titre honorifique.
Pourtant elles ne peuvent s’exprimer pleinement sans la plus importante
de toutes les qualités, le sens de l’unité. C’est parce que nous ressentons
intuitivement notre identité avec les autres que nous éprouvons pour eux des
sentiments positifs et que nous ne pouvons supporter de les voir souffrir sans
vouloir leur venir en aide.
Le mental cherchent les lois scientifiques qui organisent la matière,
il reste dans la dualité et ne développe pas forcément la compassion. Un
proverbe dit : « Science sans conscience n’est que ruine de
l’âme».
La sagesse de la vision du cœur trouve l’origine de tout dans la
vacuité et cela développe le sens de l’unité.
Le philosophe grec Platon
décrit la situation d’un homme assis dans une caverne, il regarde vers
l’intérieur, derrière lui passent beaucoup de gens, des animaux, des choses
mais comme il leur tourne le dos il ne les voit pas vraiment.
Il ne voit que leurs ombres projetées par le soleil sur le fond de la
grotte et il cherche à comprendre ce qu’il voit.
Pour comprendre le monde tel qu’il est vraiment il faudrait qu’il se
retourne sur lui-même mais il ne le fait pas parce qu’il est fasciné par les
apparences de ces images, il veut les comprendre dans leur diversité. Il ne
voit pas l’image du soleil unique qui est à l’origine.
Tant que nous regarderons le monde vers l’extérieur au lieu de nous
retourner pour voir la luminosité de notre propre cœur de Bouddha, nous
resterons dans la dualité.
Nous penserons par différence, le dedans et le dehors, moi et les
autres, le bien et le mal, les hommes ordinaires et le Bouddha. C’est un point
de vue mondain superficiel car l’océan n’existe pas sans ses vagues et les
vagues sans l’océan. Pour atteindre l’illumination il faut sortir du cadre de
tous les conditionnements mentaux, et
vivre sa vie selon le principe d’égalité.
Même la compassion doit être associée à la connaissance de la réalité
ultime sinon elle devient de l’émotivité qui attache au monde des formes
illusoires. Selon un passage du dictionnaire bouddhique
Hobogirin : « Il y a deux voies pour les bodhisattvas :
Celle de la compassion et celle du vide. L’esprit de compassion leur fait
prendre en pitié les êtres et ils forment le vœu de les sauver ; mais
l’esprit de Vide détruit cet esprit de compassion ».
Sortir du dharma mondain, c’est percevoir la nature ultime des choses,
leur vacuité lumineuse et voir sur le très long terme, l’évolution de la vie en
s’émerveillant. Un médecin cancérologue a qui je
disais : « Comment faites vous pour supporter toute cette
souffrance ? » me répondit : « Je leur suis utile. Vie
ou mort, c’est naturel de naître, c’est naturel de mourir, c’est une
expérience»
Tout est une occasion de développer l’équanimité, le lâcher prise, tout
est l’expression du Bouddha et digne de respect, pas besoin d’être de parti
pris pour quelque chose ou nationaliste pour affirmer sa force. Le Bouddha
n’est pas français ni japonais, c’est la force de vie de l’univers, vide, calme,
joyeuse, brillante, lumineuse.
Restons comme le miroir qui reflète des images très différentes mais
lui-même n’est pas influencé par elles.
Méditation sur la lettre « A »
Dans le Shingon on médite sur l’image d’un disque de lune, un lotus est
dessiné dedans avec la lettre A dorée posée dessus symbolisant
Daïnitchi-nyoraï.
Ce type de méditation est appelé « pratique du A ji Kan.
On regarde longuement la forme de la lettre qui a été dessinée par les
grands maîtres du passé en respirant lentement de nombreuses fois avec le bas
du ventre tout en répétant le son de la syllabe « A » à mi voix pour
purifier les voiles du mental .
Cette syllabe « A» est le son mère de tout les mantras et elle
est vénérée dans toutes les religions. Elle commence beaucoup de mots sacrés et
des mantras.
Elle est le son qui fait la jonction entre la forme et le sans forme et
elle permet d’ouvrir toutes les portes à l’intérieur du corps, c’est une clef
universelle.
La lettre A se trouve dans le lotus au milieu du mandala du Taïzo-kaï .
La pratique de purification du « A ji kan » est très
importante dans le shingon, elle permet d’atteindre le dharma extra mondain au
de là des formes et des pensées.
La méditation consiste à se concentrer d’abord sur la forme de la lune,
puis juste sur sa luminosité brillante. Quand l’image de la lune occupe tout
notre esprit, elle tend à fusionner avec notre propre cœur dans la poitrine. La
lune devient notre propre esprit, ce processus de fusion s’appelle
faire« Nyu-ga-ga-nyu ».
Pendant l’initiation de Kanjo du Shingon, le maître montre un miroir
rond en disant : « Tout les dharmas sont une création de
l’esprit».
Si on voit la lune comme un miroir qui brille dans notre propre cœur,
on réalise que nos pensées sont les reflets de notre propre esprit, elles n’ont
pas d’existence stable.
C’est comme quand on regarde un film sur l’écran de la télévision quand
le film s’arrête il ne reste que la seule chose réelle stable, l’écran blanc de
la télévision non coloré par une image.
Si on comprends combien les pensées enferment notre compréhension du
monde dans la caverne de nos cadres mentaux, on peut avoir envie de s’en
libérer pour connaître la vérité.
Passer du dharma mondain au dharma extra mondain par la méditation
consiste à ne pas colorer l’esprit, à rester le plus longtemps possible sans
désirs, sans pensées, sans volontés de comprendre ou de faire quelque chose,
juste garder son esprit en paix sans tension et ainsi percevoir des niveaux de
plus en plus subtil de ce vide.
Pour progresser dans la pratique du « A », il faut être guidé
par un maître dans les mondes invisibles et de recevoir des enseignements à
travers des rêves ou des visions.
La pratique du mikkyo consiste à comprendre par l’étude de la
symbolique comment adapter les mantras les uns avec les autres pour ouvrir des
portes. C’est très secret et chacun doit tracer sa propre voie et reçoit des
enseignements selon son niveau d’implication intérieure.
Un proverbe de l’ésotérisme occidental dit ; « Ceux qui
savent se taisent, ceux qui parlent ne savent pas.»
Ainsi on avance pas à pas dans les étages supérieurs du stupa intérieur
vers le sommet de la tête. En suivant la voie de l’ascension de la montagne de
l’éveil, l’homme de tête peut facilement
tomber dans les pièges nombreux et subtils tendus à son ego. Aussi,
chaque jour il doit commencer par remercier le maître et le Bouddha de le
protéger quoiqu’il arrive et inspecter sans cesse son esprit pour ne pas le laisser s’égarer dans
des relations ou des désirs inutiles ou perturbants.
C’est ainsi seulement que l’on peut préserver en soi la paix et
continuer à avancer dans la connaissance de son propre esprit.
La clarté de notre esprit
Pendant l’initiation de Kanjo du Shingon, le maître montre un miroir
rond en disant : « Tout les dharmas sont une création de
l’esprit».
Quand on imagine un miroir plat dans la poitrine, on s’intériorise
spontanément parce qu’on pense en deux dimensions. Toutes les images qu’on voit
dans la vie sont des reflets provisoires sur le miroir de l’esprit, elles sont
illusoires parce qu’impermanentes
Le réel, c’est la clarté brillante du miroir, la clarté de l’esprit qui
est stable que les pensées soient bonnes ou mauvaises .
Cette luminosité, vide de toute forme et sans parti pris est l’esprit
du Bouddha Daïnitchi-nyoraï, elle est dans le cœur de tous les êtres même si
elle s’exprime de différentes façons dans le monde concret.
On l’appelle aussi la nature de l’esprit, l’esprit tel qu’il est avant
que le mental commence à conceptualiser. C’est comme le fond de tain du miroir qui
renvoie de la lumière sans être perturbé par les images de différentes couleurs
qui passent dessus.
Tant que nous ne figeons pas notre esprit dans une idée ou un désir, il
reste vierge, disponible au contact de la vacuité, dès qu’une idée ou une
passion apparaît, il se densifie puis se fige dans une image ou une sensation
sur laquelle nous allons réfléchir.
Un disciple demandait à un maître zen combien de temps il lui faudrait
méditer pour atteindre l’illumination : « Une semaine ». Tout
content il dit alors « et si je fais beaucoup d’effort, combien de temps ? ».
Le maître dit « Un
mois ». Le disciple comprit alors que la volonté est un facteur de
limitation, ce qui est important c’est le détachement du but.
Nous pouvons répéter beaucoup de mantras, des sutras, faire des ascèses
et nous resterons dans la dualité si nous le faisons pour des buts mondains,
nous figerons notre esprit.
Pour connaître l’illumination, il faut avoir du recul vis-à-vis de soi,
ne pas être trop volontaire développer plutôt le sentiment d’abandon et de
reconnaissance. Les différentes pratiques n’ont qu’un but, développer le
sentiment de l’unité par l’action de grâce.
Quand j’ai fait pour la première fois l’ascèse de goumonji, mon maître
Aoki Yuko m’a dit : « Souvenez vous que ce n’est pas vous qui
faites l’ascèse, c’est le Bouddha qui le fait à travers vous» et
remerciez ».
Si nous mettons trop notre confiance dans nos efforts, nous deviendrons
orgueilleux d’avoir fait des
choses difficiles, l’orgueil est le pire des pièges qui fige l’ego dans l’idée
qu’il se fait de lui-même. Il empêche d’atteindre l’éveil, la spontanéité de
l’intuition dans chaque situation.
La répétition de la Prajna-paramita est une autre voie pour aller
au-delà des différences et de retrouver l’unité de tous les phénomènes dans la
vacuité, l’esprit se libère de la caverne des cinq skandas ,les
conceptualisations, les volontés, les pensées , les désirs ,les formes.
Cette sagesse épanouit la sensibilité du cœur et l’énergie devient fluide,
très volatile ce qui lui permet de deviner plus facilement les états d’âme de
ses semblables en les ressentant en soi.
Plus on pratique et plus les limites du corps s’estompent, on fusionne
avec la vie de la nature et tout ce qui existe.
Il faut faire attention à ne pas devenir trop sensible et vulnérable
aux pensées et perturbations des autres et répéter aussi le mantra de Foudomyôô
pour se renforcer.
La paix intérieure
Quand le cœur s’est purifié d’abord des voiles des émotions et puis des
pensées qui le rendent rigide, il atteint un état de paix stable où il ne
cherche pas à tout contrôler ou tout
comprendre par le mental. La vision profonde se développe et permet d’accéder à
des niveaux de plus en plus subtils de l’esprit et l’agitation du monde lui
apparaît vaine et superficielle.
Il cherche plutôt la tranquillité pour protéger son esprit des pièges
et des mauvaises influences du monde, les maras.
Ainsi les sens intérieurs s’affinent et la vision des yeux spirituels
s’approfondit dans d’autres dimensions d’existence que ce monde ordinaire.
Imaginez par exemple que votre corps puisse devenir très fluide quand
vous le vouliez, cela vous permettrait de vivre au contact avec les poissons,
de découvrir le fond de l’océan et de travailler avec l’énergie de l’eau pour
purifier l’océan. Ce serait amusant, n’est ce pas ?
Pouvez vous imaginer plusieurs sortes d’océan, de plus en plus
subtiles ? Des univers multiples comme on en parle dans l’Avantaka
sutra ?
L’intelligence d’un homme ordinaire ne peut concevoir l’idée d’univers
parallèles, il ne croit que ce qu’il voit avec ses yeux ordinaires. Il ne se
rends pas compte qu’il est un petit gland qui dort au fond de la terre en
attendant de découvrir le ciel et le soleil.
Comment faire la différence entre l’imaginaire d’un fou ou d’un
charlatan qui racontent n’importe quoi pour gagner de l’argent en abusant de la
crédulité des gens simples et l’enseignement d’un vrai mystique qui connaît les
terres de Bouddha.
D’abord il faut voir si la personne est stable dans sa vie privée et
n’a pas un comportement extravagant. Ensuite il y a une longue pratique avant
de développer des dons psychiques.
Matsumoto senseï était extrêmement intuitif et mon autre maître Aoki
yuko était craint par les moines parce qu’il pouvait savoir quand ils faisaient
des bêtises. Ils vivaient la tête dans les étoiles, mais bien les pieds sur
terre pour faire face à toutes les responsabilités qu’ils avaient. La différence majeure est que le malade
est instable ou qu’il part facilement dans des délires interprétatifs. Il
explique qu’il se sent agressé par des forces venant d’une autre planète ou
d’ailleurs ce qui le fait délirer.
Le mystique lui est entraîné par des années de méditation et il connaît
bien tous les pièges de l’au-delà, il gère sa vie dans le monde invisible avec
la force de ses mantras comme un chef d’entreprise utilise ses instruments de
travail. Il n’y a que par l’expérience personnelle de la méditation que l’on
peut comprendre l’existence de différents mondes et y vivre consciemment
simultanéement.
La recherche de l’éveil intérieur est un investissement personnel
important. Pendant des années, on renonce en partie aux plaisirs du monde pour
trouver le temps de méditer chaque jour. Si vous étiez sourd et aveugle de
naissance, quels efforts feriez vous pour guérir ? Aucun, si personne ne vous
avait jamais parlé de la beauté de la vie et que votre état est guérissable.
Beaucoup de gens ne font aucun effort pour se connaître ou s’améliorer,
c’est dommage qu’ils pensent qu’on peut très bien se passer de prier et de
méditer, sans vouloir connaître la vacuité.
Notre corps est mystérieux, il est comme un immeuble avec de nombreux
étages dont les supérieurs nous restent inconnus. Les enseignements bouddhiques
parlent d’atteindre des terres de Bouddha, des niveaux d’éveil comme
« Togakkou » et « Myogakkou » qui sont différents niveaux
de réalisation de la vacuité. Si on parlait en terme d’énergie lumineuse on
dirait qu’on peut atteindre différents niveaux de fréquence jusqu’au moment où
il n’y a plus personne qui atteint quoique ce soit car tout se dissout, le
chercheur et l’état recherché, c’est l’éveil sans supérieur , l’anutara
sambodhi.
Pour accéder à ces étages
de la vacuité, il faut épanouir un peu plus chaque jour son intelligence et son
cœur dans la compassion universelle.
Le sutra de Hannyarishukyô développe comment se
libérer des liens affectifs qui enchaînent dans le monde de la dualité, la
divinité principale du Rishué mandala
est Aïzen myôô .
Mais il n’est pas facile de progresser dans la
voie, car il y a une grande différence entre ce qu’on comprend, ce qu’on veut
obtenir de soi et ce qu’on peut réellement supporter au niveau solitude. Se
détacher complètement du monde est douloureux, nous avons un cœur d’enfant qui
a besoin d’être aimé par quelqu’un en particulier pour se sentir exister un peu.
Une autre forme d’obstacle quand on pratique intensivement vient du
karma latent qui vient à maturité et parfois il faut en payer le prix, au moins
en partie, et le corps doit souffrir, comme dans l’histoire du moine Zen qui
avait offert son bras coupé pour recevoir les enseignements.
Il faut vraiment être conscient de la futilité de ce monde périssable
pour faire autant d’effort pour sortir
de la caverne de son mental. Ce désir ou cet appel de Dieu ou du Bouddha vient
certainement de nos vies antérieures quand nous étions des religieux plus fervents.
Revenir toujours à la
clarté de l’esprit , la méditation et l’action
Une citation du texte Indien « la Bhagavat gita »
dit ; « Ce n’est pas pour le résultat de l’action qu’il faut
agir mais pour l’action elle même»…parce qu’elle nous permet de nous
perfectionner.Dans la continuité de nos vies, tout effort a du sens car rien ne
se perd.
Méditation et action deviennent alors la même chose quand on vit en
permanence conscient de la clarté vide du miroir sans laisser captiver toute
son attention par les reflets, les pensées.
Cela revient a être vigilant et à revenir immédiatement à la luminosité
du miroir quand on se passionne un peu trop, au besoin en s’aidant de la
répétition d’un mantra ou de la prajna paramita. N’importe quelle action peut
être utilisée si le rythme du travail le permet.
Observer ses réactions est un exercice idéal pour se préparer à mourir puisque
tous nos repères vont s’effacer à ce moment là et que nous devrons percevoir la
claire lumière de l’esprit sans s’attacher à ce monde par des regrets.
Suivre la voie juste revient plus à suivre son intuition intérieure en
retrouvant un état naturel, pas besoin de réfléchir trop, pas besoin de chercher
le bien et de lutter contre le mal.
Les images ou les sensations positives ou négatives que nous supposons exister
autour de nous sont des reflets du miroir, des illusions duelles, fabriquées
par notre esprit.
Nous rêvons ! Revenons à la simplicité de la clarté pure de
l’esprit.
De même croire encore à l’existence d’un moi à perfectionner, c’est
encore une illusion duelle car alors il y a quelque chose à chercher, à
acquérir et quelque chose à rejeter.
Nous rêvons encore ! Revenons à la simplicité de la clarté pure de
l’esprit.
Il n’y a pas d’effort à faire pour se détacher ou se purifier, juste
lâcher prise et être conscient.
Lâcher prise, c’est la chose la plus difficile à faire au monde parce
que nous avons peur du vide, peur de la solitude et nous voulons tout
contrôler. C’est un peu comme un enfant qui étreint son nounours en peluche par
peur de l’obscurité. Chacun choisit dans sa vie adulte différents types de peluche
pour se sentir exister, mais tout est illusion, impermanence.
Tout ce que nous voyons de la vie est le reflet sur le miroir de notre
cœur de nos pensées, de nos espoirs ou de nos craintes. Ce n’est pas le monde
réel mais juste le monde que nous rêvons de posséder ou que nous détestons. Le
monde lui, il évolue indépendamment de nos espoirs et nos attentes, ce n’est
que momentanément que nous pouvons croire posséder ou vaincre quelque chose,
tout passe, tout est un rêve fugace.
Comme c’est triste de quitter la caverne de ses certitudes!
Nous rêvons ! Revenons à la clarté pure de l’esprit.
Le maître Houeneng, patriarche du bouddhisme Chang écrit le
poème :
« Il n’y a pas d’arbre d’éveil, ni de cadre de miroir brillant.
Puisque intrinsèquement tout est vide, où la poussière pourrait-elle s’attacher ? »
Vivre dans l’intuition juste à chaque moment, cela est-il
possible ? Au Japon, les petites statues de Bodhidharma se redressent
toujours même quand on les couchent sur le coté.
Même si nous dévions de la voie, revenons toujours à notre pratique.
Pour le saint tout vient au bon moment sans qu’il l’ait prémédité, tout
part au bon moment sans qu’il cherche à le retenir. Tout est vide, pourquoi
vouloir attraper ou garder un courant d’air ? Il n’est pas évident de savoir ce qui est bon ou mauvais pour
sa propre vie, il est donc préférable de s’abandonner à l’intuition du moment
présent et de revenir à la simplicité de la clarté pure de l’esprit.
Prendre refuge et cultiver la joie intérieure en s’abandonnant à la
sagesse du Bouddha qui nous dépasse c’est cela suivre la voie.
Vivre dans l’intuition juste de chaque moment, cela est-il possible ?
Au Japon on vend des petites statues de Bodhidharma qui se redresse toujours
même quand on les penche sur le côté. Même si nous dévions de la voie, revenons
à notre pratique.
Conclusion
Parfois on peut se demandez pourquoi on vit si rien n’existe, mais
chaque vie est précieuse parce qu’elle est l’expression du grand tout même si elle
ne dure qu’un instant, c’est comme une petite fleur des champs elle s’épanouit
avec les autres sans se poser trop de question.
Elle est juste heureuse de qui vient chaque jour.
Si nous préservons notre cœur, le reste de nos activités se déroulera
harmonieusement.
Une religieuse disait à ses sœurs : « Je ne vous demande
pas de faire des miracles mais des petites choses avec le sourire». Le plus
important dans sa parole c’est « Avec le sourire », car sourire signifie avoir de la maturité
et garder de la distance vis-à-vis de son activité.
Le monde a besoin d’être sauvé, mais il a surtout besoin d’être aimé,
c’est cette douceur, cette délicatesse de sentiment qui manque le plus
actuellement dans les rapports humains.
Yukaï Senseï