Komyo-In

vendredi 2 janvier 2015

De l'amour à la compassion

Trois papillons parlent de l’amour, le premier dit : « J’ai vu la flamme de l’amour »,
Le deuxième dit « Mes ailes ont souffert des flammes de l’amour »,
Le troisième ne dit rien mais il se jette dans le feu et est consumé.
Seul le dernier connaît vraiment l’amour.
Histoire soufi.
L’amour
La plus grande force au monde est la force de l’amour car elle est à l’origine de toute évolution tant individuelle que sociale. Elle permet de dépasser l’attitude égoïste de l’enfermement sur soi par haine, avidité ou étroitesse d’esprit, pour s’ouvrir par l’altruisme à un niveau supérieur de compréhension du monde.
Un poing fermé pour prendre ou pour frapper se croit fort, mais il ne communique plus avec la vie.
La main ouverte dans le geste du don prends le risque d’aimer et de donner sa confiance ou ses biens sans retour à un ingrat, mais c’est seulement ainsi qu’elle peut rencontrer une autre main tendue et choisir d’évoluer avec elle.
Rien de grand ne se fait seul, personne ne peut se suffire à lui-même ni prétendre comprendre le monde dans sa plénitude. Une équipe soudée par l’amitié et respectueuse de l’intégrité de chacun peut être concentrée vers un but commun tout en envisageant les divers points de vue pour y parvenir, cette largeur d’esprit est un gage de succès.
L’amour ouvre le cœur, éveille l’intelligence. Un enfant qui aime son professeur deviendra facilement bon dans sa matière, simplement parce qu’il s’identifie à sa manière de penser.
L’amour est une attitude ouverte et positive vis-à-vis de la vie, les autres sont considérés avec attention et respect comme des amis que l’on peut accueillir et protéger, cette disponibilité intérieure nous fait aimer par eux en retour. Si on vous parle gentiment en vous appelant par votre nom, vous avez évidemment plus envie d’être aimable à votre tour et de rendre service, la vie est un jeu de miroir. L’amour donne aussi de la patience pour accepter les petits défauts des autres et le désir de compléter discrètement leurs déficiences avec le sourire. Bien entendu, si on respecte les autres il devient plus facile de s’excuser vis à vis d’eux et de reconnaître ses propres fautes. Savoir que l’autre nous accepte malgré nos faiblesses est rassurant et signifie qu’il s’intéresse réellement à nous et non pas qu’il nous juge ou nous utilise comme un outil, bon un jour à jeter.
Si le chef prends soin de ses subordonnés, alors ceux-ci se dévoueront pour lui et ils feront de leur mieux pour la réussite de l’entreprise. C’est ainsi que sans gémir ni émettre des récriminations, on obtient le respect d’une équipe ou la tendresse dans un couple.

La compassion
La compassion est un amour en évolution qui s’approfondit toute la vie et s’étends petit à petit au monde entier. Un proverbe dit : « Qui se ressemble s’assemble.»
D’abord l’amour se développe dans une famille harmonieuse ou qui essaye de l’être. La vie familiale demande du dévouement et des sacrifices pour élever ses enfants, c’est une école sévère pour se préparer à aimer son prochain.
Puis cet amour peut s’étendre à toute l’humanité et devient alors de la compassion qui se manifeste par la reconnaissance, la joie, et la tendresse que l’on donne chaque jour à tout ceux qui nous entourent.
Enfin, en pratiquant la méditation sur le vide, la compassion devient universelle au-delà des formes, elle s’étends à toute la nature et aux mondes invisibles.
Vivre, c’est donner, puis recevoir, c’est comme la respiration ainsi à chaque étape le cœur peut s’ouvrir un peu plus et s’approfondir.
La compassion est un amour qui s’étend à toute l’humanité sans la juger, avec le désir de soulager sa souffrance avec intelligence et respect.
La compassion dans le bouddhisme est la cause originelle qui mène à l’illumination, c’est un amour actif qui souhaite apporter à tous le bonheur et les causes qui le produisent. Les cinq grands vœux du bouddhisme affirment :
« Je fais le vœu de sauver tous les êtres vivants, de pratiquer les six vertus (paramita), d’étudier tous les enseignements du dharma, de servir tous les Bouddhas, d’atteindre l’illumination non seulement pour moi mais pour que tous l’atteignent pareillement.»
La compassion est un amour adulte, non égocentré. La personnalité voit l’univers comme une grande famille où elle apporte sa contribution dans le respect de la différence de l’autre. Elle n’est pas persuadée d’avoir le monopole de la vérité ou du bien, elle est curieuse de découvrir la vie à travers le regard des autres et se sent solidaire vis-à-vis d’eux.
Elle ne se laisse pas limiter pas le côté formel d’une religion, elle voit l’unité du but derrière la diversité apparente des pratiques cultuelles. Le Bouddhisme apporte la sagesse de la non dualité, qui permet de reconnaître avec amour la présence de Dieu ou du Bouddha partout dans la vie. Il n’accorde donc aucune attention aux théories politiques, religieuses ou sociales, qui cherchent à créer des conflits en clivant les hommes selon les pays, les races, les classes sociales.
Dans son désir d’aider les autres avec intelligence, elle cherche à comprendre les vraies causes multiples et profondes qui amènent une situation. Elle sait donc bien écouter, pour comprendre les vrais besoins et ne déforme pas les propos en voulant imposer des valeurs. Savoir écouter possède une vertu thérapeutique précieuse qui soulage, il n’est pas si facile que cela de trouver à qui confier ses chagrins. Ecouter et conseiller peut aider quelqu’un à prendre conscience qu’il est le premier responsable de son malheur par une attitude ou un comportement inadéquat.
La compassion peut s’étendre à tout le phénomène de la vie qui est compris comme la manifestation du Bouddha Daïnitchi s’exprimant à travers une multitude d’êtres. Les animaux, les plantes, toute la nature est tellement belle qu’elle devient digne de respect et doit être protégée de la barbarie des hommes.
Ceux qui ont le sens de l’unité restent sans amertume ni regrets quand leur générosité est récompensée par de l’ingratitude, ils savent que les mains qui rendent ne sont pas toujours celles qui ont reçus. Ils se reconnaissent par leur gentillesse et leur simplicité. Ils comprennent tout sans avoir besoin de beaucoup d’explications, ils ont du bon sens pratique et sont habiles pour aller à l’essentiel et trouver des solutions qui apportent le bonheur.
La compassion se développe toute la vie par l’accumulation de bonnes actions, de la charité, de la prière et de la méditation. Quand le cœur est purifié la nature le sent et devient sans crainte.
Un mystique chrétien St.François d’Assise parlait aux animaux dont un loup qui l’accompagnait spontanément dans ses pérégrinations, d’autres mystiques Indiens font fuir les tigres qu’ils traitent comme des gros chats ou côtoient des serpents venimeux comme des animaux familiers.
Toute la vie on rencontre des gens bien et des gens pas bien mais de toute façon, c’est l’occasion d’apprendre à développer la compassion. Si nous voulons nous connaître, observons comment nous réagissons devant l’adversité, avons-nous une vraie compassion pour celui qui nous fait du mal ?

Un cœur en vaut bien un autre
A la fin des études de médecine, les étudiants prêtent le serment d’Hippocrate (médecin grec considéré comme le père de la médecine né vers 460 av JC) dont l’idée centrale est que tout malade a droit au dévouement du médecin et aussi au respect du secret le concernant. Selon le principe d’égalité, un homme en vaut bien un autre quelque soit sa culture d’origine ou ses convictions, d’où la citation célèbre « Je ne te demande pas qui tu es, ce que tu penses ou ce que tu fais mais où tu as mal ? ».
Un jour, je priais dans une église du quartier Latin à Paris et mon intuition m’a fait sentir dans le cœur un gros chagrin, du désespoir dans les environs. Alors comme je fais d’habitude dans ces circonstances, je suis allé me promener autour de l’église pour trouver d’où cela venait et j’ai vu une clocharde assise dans un coin pour mendier qui parlait à son chien en lui mettant la main sur l’épaule comme à un copain qu’il faut encourager. Je me suis approché et je lui ai demandé comment cela allait. Elle m’a dit que cela n’allait pas, qu’elle venait de voir un médecin qu’il l’avait examinée gratuitement mais qu’elle n’avait pas l’argent pour acheter les médicaments. Cinq minutes après, elle avait ce qui lui fallait et je lui ai demandé en échange de prier pour moi, j’espérai ainsi qu’elle penserait de temps en temps à Dieu.
Est-ce ma sensibilité ou une présence aimante invisible qui vit dans cette église qui m’a informé de sa détresse, je ne sais. Ce dont je suis sûr c’est que nous sommes tous solidaires les uns des autres par le cœur et que ma gentillesse a du sûrement être récompensée, même si je n’en suis pas très conscient.
Le monde n’est pas ce qu’on croit, tout communique au niveau de l’esprit. Un cœur en vaut bien un autre, nous avons vécu des vies animales et humaines dans tellement de monde et de corps différents. Faire du bien à quelqu’un ou soulager la souffrance d’un animal, cela permet de se libérer de nos dettes karmiques, ouvrant ainsi des pétales qui du fait d’actes erronés étaient depuis longtemps fermés dans la fleur de notre cœur,.
Beaucoup de gens font du bien discrètement, un proverbe dit : « Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit».
Ceux qui font de l’assistanat aux personnes mourantes disent que cette activité leur a beaucoup apporté, ne serait-ce que mieux comprendre ce qui est vraiment important ou pas dans la vie. Certains d’entre eux qui prient ont un grand rayonnement. Ils sont les passeurs qui préparent la renaissance dans l’autre monde, n’oublions jamais que nous sommes ici que pour peu de temps.

La compassion, chez les animaux
La compassion tant chez les animaux que chez les hommes est un signe d’évolution, elle signifie simplement avoir de l’empathie vis-à-vis de la souffrance des autres, d’où le désir de la soulager. Si nous nous plaçons dans la perspective du bouddhisme qui enseigne que l’on peut parfois s’incarner dans le corps d’un animal en fonction de son karma, il est normal de trouver des animaux particulièrement aimants.
Les exemples sont nombreux d’animaux qui témoignent de l’affection à leur maître et ont parfois sauvé leur vie.
Un vétérinaire qui étudie le comportement des animaux raconte dans un livre comment ils sont capables d’amour et bien sûr de haine entre eux. Un jour, il avait une chatte qui allaitait cinq petits dans une cage de son cabinet. On lui apporta un petit chaton abandonné qui souffrait de la faim. Il eut l’idée de le laisser dans une autre cage ouverte à côté de celle de la chatte. Celle-ci entendit les cris du petit et inquiète elle commença à compter les siens en les regardant attentivement un par un. Alors elle se leva pour voir d’où venaient les cris désespérés du chaton. Elle entra dans la cage, le renifla et ressortit pour retourner se coucher près de ses petits mais elle était agitée. Elle retourna à nouveau en entendant les cris, puis après avoir hésité deux fois, elle l’emporta et l’adopta.
Les éléphants sont aussi des animaux très évolués capables d’une vie en groupe dans laquelle ils expriment de la tendresse pour les plus faibles. Dauphins, chiens, chevaux et autres animaux supérieurs peuvent faire preuve du même dévouement que des humains pour leurs progénitures.
L’homme n’a pas le monopole de l’amour, alors pourquoi devrait-on les traiter sans respect et supposer qu’ils ne sont pas capables de sentiments de compassion ?

La compassion universelle va au-delà des formes
D’après les textes ils existent trois sortes d’hommes qui pratiquent la voie, ceux qui pratiquent pour eux, ceux qui pratiquent pour eux et pour les autres et les supérieurs qui ne pratiquent que pour autrui. Seule cette dernière attitude détruit à la longue la notion de moi.
Une pratique de prière peut avoir un objectif mondain, comme la réussite en affaire ou un mariage heureux. C’est bien et c’est utile de résoudre ses problèmes concrets dans ce monde, mais ce n’est qu’un bonheur provisoire. Priez pour soi ne libère pas de la roue du karma et des renaissances, une fois les mérites épuisés dans cette vie, il faudra renaître pour assumer son ancien karma négatif.
Une pratique de prière pour atteindre l’illumination cherche d’abord à développer des vertus de sagesse pour libérer de l’attachement au monde des formes et à soi même.
Un texte du petit véhicule dit : « Je lâche prise, j’écarte, je dépose tous mes désirs et mes conceptions du monde», c’est ainsi que l’on se libère de soi même.
Le travail consiste à ne rien garder pour soi, c’est pour cette raison aussi que les moines dédicacent les mérites de leurs prières pour le bonheur de tous les êtres, ainsi ils en multiplient les effets à l’infini.
Une métaphore explique ainsi comment atteindre l’illumination : « Si nous voulons que notre esprit puisse devenir l’océan ne limitons pas notre pratique à la taille du récipient de notre personnalité, brisons le vase.»
Une réflexion intellectuelle n’est pas suffisante pour changer la partie instinctuelle, c’est la méditation sur le vide qui va permettre d’aller au fond de soi même.
La pratique des mantras des divinités irritées comme Fudo-myôô permet aussi de transformer notre moi profond. Ce moi est un mirage, une illusion, ne nous attachons pas plus à lui qu’aux nuages aux formes changeantes dans le ciel.
La pratique de la méditation sur le vide est sans but ni profit, tout se dissout spontanément si on reste sans intention !
Quand nous regardons de l’eau pure dans un vase, rien ne se reflète dedans, notre esprit est comme cette eau, il est naturel. Ne le colorons pas avec nos pensées, contentons nous d’observer la vacuité dans sa nature pure.
Nos pensées montent, agitent l’eau, cherchent à interpréter l’état dans lequel elles sont, trouvent des explications, font des évaluations. Ne pas les suivre, ne pas les nourrir, font qu’elles se calment, puis se dissolvent, notre esprit voit alors la grande compassion comme un grand océan lumineux, vaste, joyeux, omniscient et finalement celui qui observe cela se dissous aussi.

Comment développer la compassion
1) Le repentir :
En préalable, il est indispensable de prendre conscience de ses défauts de caractère et se repentir de toutes ses fautes passées qui sont comme « une » glue qui obstrue notre sensibilité et notre intelligence.
Le repentir permet de trouver les causes profondes de ces traits de caractère pour ensuite les modifier par la pratique, sans cette démarche nous trouverons toujours par orgueil des justifications à des conduites inappropriées. Par exemple, voler peut se justifier par un sentiment d’injustice sociale, mais la cause profonde modifiable est peut-être un sentiment d’infériorité.
Nous rapportons de nos vies passées beaucoup de mauvaises habitudes de penser. Cette partie sombre de notre personnalité se défends très bien malgré tous nos bons principes moraux. Il faut répéter des millions de mantras et persévérer des années malgré les crises et le découragement pour la transformer.
Si c’était si facile de devenir un saint, cela se saurait. Les mauvais penchants vont remonter à la surface et devenir d’abord plus forts, plus évidents comme quand un abcès mûrit avant de crever, puis il y aura une crise avec une prise de conscience de ses responsabilités dans les ennuis que l’on rencontre, d’où un vrai repentir et ensuite tout se dissout.
Ce processus de purification évolue avec le nombre de répétition de mantra de manière quasi mécanique, c’est surprenant ! Cependant il faut rester prudent car à chaque étape il y a des tentations avec le risque de régression si on cède. Un moine qui avait été un voleur dans une vie passée voulu prendre du thé dans un vase ouvert chez un commerçant, au moment où il mis la main dans le pot il se rendit compte de la tentation et se mis à crier bien fort : « Venez vite, il y a un voleur dans la boutique !
2) Le renoncement :
Un proverbe dit : « Si tu cherches la liberté tu seras esclave de tes désirs, si tu cherches la discipline tu trouveras la liberté».
La première des choses c’est de se garder du temps et de l’énergie disponibles pour la recherche intérieure et ne pas se laisser abuser par la société de consommation qui crée des désirs inutiles et nous pousse à désirer toujours plus. Plus nous possédons, plus nous sommes agités et moins nous sommes satisfaits. Alors nous penserons que ce malaise vient sans doute qu’il nous manque quelque chose de matériel et nous irons faire des achats.
Si on considère l’ego comme un arbre, les branches sont les attachements aux choses et aux êtres de ce monde mais le tronc qui les rassemble est l’attachement à soi-même.
L’attachement au monde évolue selon les âges de la vie, tailler les branches de l’arbre de l’ego qui poussent durant toute la vie, c’est un travail très long. Mais si on coupe directement l’attachement à soi même, le tronc, il n’est pas nécessaire de s’occuper de l’attachement des branches.
Les hommes sont d’autant plus attachés au monde qu’ils n’ont pas de vie intérieure, ils croient que posséder de l’argent et le dépenser va résoudre leurs problèmes existentiels. Pourtant ils souffrent de trop posséder et de trop d’activité, mais c’est ainsi qu’ils se sentent vivre. Quand ils seront vieux, et à l’approche de la mort, ils auront peur de l’inconnu et toutes leurs certitudes s’écrouleront.
Renoncer signifie cultiver de l’indifférence pour les attraits du monde, cela donne de la liberté.
Un religieux considère que le monde est une création de son propre esprit, le problème pour lui n’est plus de prier pour avoir une belle voiture mais de trouver les raisons en lui qui font qu’il a peut être une attirance pour un gros tas de ferraille qui fait vroumm vroumm.
L’essentiel est de passer du temps avec nos proches en savourant leur présence sur cette base de tendresse, le cœur devient apaisé et harmonieux, les besoins matériels qui ne sont que des compensations psychologiques diminuent. Il devient possible de vouloir approfondir sa vie pour découvrir le monde spirituel sous la direction d’un maître authentique.
Ce qui donne du sens à la vie si éphémère c’est donner de l’amour. En général les hommes donnent des choses ou de l’argent à ceux qu’ils aiment ce n’est que quand ils sont près de mourir qu’ils disent leur amour à leurs proches. Ils n’osaient pas avant, sans doute par pudeur.
3) L’ascèse :
Les grands moines du passé vivaient d’une manière beaucoup plus dur que maintenant.
Ils pratiquaient le jeûne, et faisaient des ascèses sévères comme le maître Tankaï qui priait Fudo-myôô en répétant son mantra des millions de fois. Quand nous prenons refuge ou que nous utilisons les sons sacrés, les mantras, nous nous relions au monde de la lumière des bodhisattvas, par compassion ils font descendre leur lumière dans notre cœur et le purifie. On dit en Inde qu’un mantra ne devient vraiment complètement efficace que lorsqu’on l’a répété cent mille fois multiplié par le nombre de ses syllabes. Donc un mantra de dix syllabes doit être dit un million de fois pour être vraiment efficace.
Il est indispensable d’avoir un autel chez soi avec un tapis de prière, c’est comme un point d’ancrage entre la terre et le ciel comme le lieu appelé tokotama dans les maisons japonaises traditionnelles.
Sur cet autel on fait des offrandes de nourriture dans des tasses disposées devant les statues de Bouddhas. Pendant le rituel on demande aux Bouddhas de descendre sur l’autel et de les accepter par compassion, ainsi nous offrons symboliquement ce que nous sommes intérieurement pour qu’ils nous aident. Prier, méditer, ce n’est pas fabriquer des qualités par soi même, il ne faut pas être fier ou confiant dans la force de sa pratique, c’est de l’orgueil. Ce sont les Bouddhas qui nous libèrent de nos peurs et de nos passions, les qualités altruistes apparaissent et s’expriment ensuite spontanément.
4) L’empathie :
Ne pensez qu’à soi est le plus sûr moyen de se sentir seul et d’être malheureux, pour vivre heureux il faut développer l’empathie et agir avec compassion et cela produira l’ouverture du coeur.
Avoir une certaine expérience personnelle de la souffrance permet de comprendre celle des autres sinon leur désespoir ne fait que nous importuner. Vouloir soulager la souffrance c’est la compassion, le résultat d’un acte altruiste permet l’ouverture du cœur.
Nous ne pouvons recevoir de la vie que selon notre ouverture de cœur, plus il est ouvert plus il peut ressentir de la joie et du bonheur. C’est en pensant à rendre les autres heureux que nous le serons nous même parce qu’il y a un échange, un cadeau qu’ils nous font à ce moment là.
On ne peut soulager la misère de tout le monde mais souvent la principale cause de souffrance vient du sentiment de solitude, beaucoup de gens se suicident parfois très jeunes après un abandon, ils ont l’impression de n’être rien pour personne. Une parole amicale ou un sourire peuvent alors y remédier facilement et cela ne coûte rien ! Pensez à être généreux en sourires et en paroles aimables. Quel merveilleux cadeau vous faites à ce moment là ! Les autres vous regarderont d’abord avec surprise, peut-être avec méfiance, peut-être penseront-ils « Celui là, il est trop poli pour être honnête ». Mais finalement s’ils s’ouvrent, ils penseront que vous êtes un brave type et ils vous enverront une petite lumière de sympathie dans le cœur que vous engrangerez. Alors avec le temps toutes ces petites graines de lumières vous éveilleront et c’est vous qui aurez reçu le plus.
Pensons nous souvent à ceux qui ont fabriqués nos vêtements pour des salaires de misère et parfois qui meurent parce que leurs patrons se fichent de leur sécurité ? Dire, merci, merci, merci, c’est la manière dont nous pouvons nous sentir solidaire avec eux et aussi avec toutes les forces de l’univers, c’est ainsi que nous développons la reconnaissance qui nous ouvre sur le monde et le désir de servir,la compassion.
De même dans l’autre sens nos parents, nos maîtres, nos amis parce qu’ils nous aiment et que nous les aimons, créent autour de nous une ambiance chaleureuse qui agrandit les limites de notre cœur et nous relie au reste du monde. Cet amour contribue à notre approche de l’illumination, c’est pourquoi mon maître disait ce n’est pas nous qui vivons ce sont les autres qui nous font vivre.
Pour être heureux, cultivons des relations humaines courtoises et amicales comme le dit le sage Confucius et ainsi nous plantons dans notre vie des graines de bonheur.
Confucius recherchait la sérénité quelque soient les circonstances, un jour qu’il avait faim et était entouré d’ennemis, il joua du luth.
Ce qui donne un sens à la vie, une assise au ciel même si on manque de tout ici bas, c’est la recherche de la nature de son esprit. Un poète a dit : « J’ai deux vies, l’une que j’imagine l’autre que je subis, celle que j’imagine m’aide à vivre celle que je subis ».
La nature de l’esprit est la perception de la lumière qui circule à l’intérieur de son propre cœur, on peut parvenir à la voir par diverses voies, ce qui compte c’est de persévérer.
Un religieux cherche la vérité, un artiste recherche la beauté, ils marchent tout deux vers leur idéal intérieur, ils se cherchent eux-mêmes, ils s’affinent à travers les épreuves qui sont nécessaires car la souffrance oblige à s’approfondir.
Si malgré tout, on persévère soit dans son art, soit dans la prière sans se fâcher contre Dieu, on passera des portes. On s’oubliera soi-même, soit à la recherche de la beauté, soit pour le service du pays, soit dans la contemplation du vide lumineux, mais on s’oubliera dans la recherche de son idéal. C’est l’amour de quelqu’un ou de quelque chose qui nous transcende.
Aimer, c’est s’émerveillez devant la beauté de la vie. La beauté d’une femme permet de méditer sur l’amour sensuel qui est une approche de l’amour divin. La joie et le bonheur des gens qu’on sauve ou qu’on guéri nous rempli le cœur d’amour. Percevoir la vacuité paisible immense lumineuse dépasse toutes les limites et dissout les catégories de l’esprit duel, c’est cela aimer, c’est s’oublier.
5) La générosité
Un savoir théorique comme « Tout est un », ne suffit pas pour agir avec sagesse et générosité car il y a une inertie interne instinctuelle qui pousse à agir comme d’habitude, de manière égoïste.
C’est sur les actes que l’on juge quelqu’un, pas sur ses belles paroles. La volonté d’accomplir une action généreuse va immédiatement rencontrer les obstacles intérieurs, l’indolence, la cupidité, le mépris des autres etc. Toutes les bonnes raisons que l’on se donne de penser d’abord à soi et de ne pas se préoccuper du reste vont se manifester, elles seront renforcées par les réactions de l’entourage qui ne fait rien et n’accepte pas de sentir remis en question son égoïsme. Payer de sa personne dans la vraie vie est beaucoup mieux pour se changer que des tonnes de savoir théorique, cela éveille les démons cachés au fond de soi qu’il faut liquider.
Une histoire raconte qu’un homme avait été sauvé après sa mort, de l’enfer non pas pour son savoir, ses prières ou divers bons actes religieux mais parce qu’un jour qu’il faisait très froid il avait recueilli contre sa poitrine un petit chaton pour le réchauffer. Tout ce que nous pouvons faire d’utile et de généreux pour aider les autres concrètement c’est à nous même que nous le faisons et cela nous apportera une joie et une expérience humaine irremplaçable.
C’est en donnant que nous recevrons, en aimant que nous serons aimés, en servant les autres dans le quotidien que nous nous détacherons petit à petit de nous même. Faisons du bien sans calcul, ni attente de réciprocité. Nous accordons trop d’importance aux biens de ce monde pour nous apporter le bonheur, c’est pour cette raison que nous nous comportons de manière avide. Le bonheur, c’est les autres qui nous le donne parce qu’ils nous aiment, ils épanouissent notre cœur en pensant à nous avec tendresse. Il y a beaucoup de manière de témoigner de la générosité dans le monde concret ou dans l’invisible. La prière pour aider et protéger celui qui souffre, cela peut être aussi un beau cadeau dans un moment difficile. A chaque fois que nous sortons de nos petites préoccupations pour penser aux autres avec générosité nous nous illuminons intérieurement. Nous avons oublié que notre vraie nature est une étincelle de lumière qui vit dans une autre dimension. Ce n’est que de temps en temps que l’on prend un corps humain pour affiner cette lumière intérieure, il n’y a rien de vraiment important à attendre ici bas.
6) Contrôler les pensées.
Si vous pensez à quelqu’un que vous aimez, vous sentez votre cœur devenir chaud, lumineux et léger, si vous pensez à quelqu’un que vous détestez, vous sentez votre cœur devenir lourd, dur, froid, sombre.
Le type des pensées que nous entretenons d’habitude en nous est le carburant qui nous fait fonctionner et selon sa qualité il laisse des traces dans notre organisme. Notre visage est marqué à la longue par ce que nous pensons chaque jour. Les pensées dures et méchantes sont comme du goudron, les qualités intérieures de subtilité ne peuvent pas se développer, d’où un enfermement. Les gens méchants sont toujours insatisfaits, ils jalousent chez les autres la joie ou le bonheur qu’ils ne ressentent pas en eux même. Ils font leur propre malheur à cause de leurs pensées de mécontentement.
Par contre si nous sommes paisibles et aimants nous fonctionnons avec une nourriture de haute qualité et notre cœur comme un oiseau peut s’envoler très haut dans le ciel.
Notre personnalité rayonnera ce que nous sommes au fond de nous, cela retentira sur toute notre vie.
Le cœur s’ouvre progressivement s’il reste calme et serein. Plus il est ouvert et mieux la lumière descend du sommet de la tête dans les parties basse du corps.
Le Shingon enseigne que le degré d’ouverture du cœur exprime le niveau de réalisation de l’état de Bouddha. S’il est encore centré sur ce monde et sur le soi il s’agit de la pénétration du cœur de compassion, « Tsudatsu bodaïshin», puis la compassion se développe « Shu bodaïshin», puis elle atteint une certaine stabilité « jo kongoshin», puis cela devient manifeste de manière visible dans la vie elle change les gens autour de soi « Sho kongoshin ». Enfin on achève la construction d’un corps de Bouddha « Busshin emman ». Tous ces mots permettent à ceux qui ont la connaissance ésotérique d’utiliser les mantras afin de pénétrer de plus en plus à l’intérieur du cœur, cela revient à englober de plus en plus d’êtres dans son amour.
Au début, le cœur s’ouvre suffisamment pour purifier le mental et l’émotivité ordinaire.
Plus la pratique des mantras s’approfondit et plus l’énergie descend dans le ventre pour maîtriser les instincts la colère et la sensualité. Enfin si on devient stable dans le sentiment de bienveillance les centres d’énergie au niveau des pieds s’ouvrent, on commence à rayonner autour de soi et la vision profonde qui s’éveille alors remet la notion de soi et de ce qui lui appartient.
Les pensées expriment les sentiments qui sont reliés à elles par un type caractéristique d’énergie. Les pensées de la colère sont rouges, rapides, dures. Si on veut les contrôler il faut respirer à fond lentement pour laisser la pression redescendre. La tristesse demande de bouger le corps pour évacuer dans le sol les sentiments refoulés et ne pas les figer en soi sous forme de ressentiment ou de repli.
Vivre au rythme de la vie de la nature, des forêts, des fleurs permet de s’équilibrer et de mieux faire face aux stress. La chose essentielle à comprendre c’est que les pensées ne sont pas la réalité, c’est une représentation de notre manière de voir le monde, une forme fabriquée avec de l’énergie mentale par notre esprit. Les reconnaître comme une création de nous même et pas comme la réalité permet de changer notre monde intérieur consciemment. Celui qui prend l’habitude de jouer avec ses énergies internes maîtrise son esprit. Il l’oriente vers ce qui est subtil, lumineux, joyeux, aimant, ouvert sur le monde de manière généreuse.
7) le contact avec la vie de la nature
Nous avons oublié que nous appartenons à la vie de la nature. Nous nous mentalisons de plus en plus jusqu’à en perdre le sens des réalités. Les jeux vidéo hyper violents poussent parfois des jeunes instables à devenir des assassins qui tuent dans les écoles. Mais sans aller jusque là, les hommes qui travaillent beaucoup devant des ordinateurs, raisonnent parfois selon des modèles théoriques réducteurs qu’ils confondent avec la réalité. Ils perdent le sens du réel, une forêt, ce n’est pas des morceaux de bois mis les uns à côté des autres. C’est pour cette raison que nos comportements sont de plus en plus irrespectueux et destructeurs vis-à-vis de la nature et de ses équilibres. Sans le respect des forces de la vie, pas d’équilibre intérieur dans le cœur des hommes, pas de futur pour l’humanité. Ce n’est qu’en apparence que la vie suit la loi de la compétition, mais en fait elle privilégie les meilleurs dispositifs pour une évolution globale dans l’harmonie, avec l’apparition d’espèces plus d’intelligente. La philosophie de la vie, ce n’est pas « Que le meilleur gagne », c’est la solidarité car rien ne peut vivre seul « Un pour tous et tous pour un ». C’est les humains avides qui détruisent la biodiversité.
Il est urgent d’éradiquer ce principe de compétition qui place l’enfant, dès sa scolarité, dans une rivalité terrible avec les autres et lui laisse croire que s’il n’est pas le meilleur, il va rater sa vie. Beaucoup répondent à cette insécurité par une accumulation stupide de richesses, ou par le déploiement d’une violence qui vise à dominer l’autre, que l’on croit devoir surpasser.
Aujourd’hui, on est tout fier lorsqu’un enfant de 5 ans sait manipuler la souris de l’ordinateur et compter parfaitement. Très bien. Mais trop d’enfants accèdent à l’abstraction aux dépens de leur intériorité, et se retrouvent décalés par rapport à la découverte de leur vraie vocation. Dans notre jeune âge, nous appréhendons la réalité avec nos sens, pas avec des concepts abstraits. Prendre connaissance de soi, c’est d’abord prendre connaissance de son corps, de sa façon d’écouter, de se nourrir, de regarder, c’est ainsi que l’on accède à ses émotions et à ses désirs.
Quel dommage que l’intellect prime à ce point sur le travail manuel. Nos mains sont des outils magnifiques, capables de construire une maison, de jouer une sonate, de donner de la tendresse. Offrons à nos enfants ce printemps où l’on goûte le monde, où l’on consulte son âme pour pouvoir définir, petit à petit, ce à quoi l’on veut consacrer sa vie. Offrons-leur l’épreuve de la nature, du travail de la terre, des saisons. L’intelligence humaine n’a pas de meilleure école que celle de l’intelligence universelle qui la précède et se manifeste dans la moindre petite plante, dans la diversité, la complexité, la continuité du vivant.
Pierre Rabhi, poète écologiste.

8) Abandonner sa volonté personnelle
La force du bouddhisme, c’est le noble idéal du bodhisattva, qui veut le bonheur de tous les êtres sans distinction de leur origine et ceci même au dépends du sien.
Ce n’est pas sur son intelligence discursive que l’on peut juger le niveau de réalisation de quelqu’un c’est sur sa compassion, sa gentillesse, sa douceur au quotidien et à la manière qu’il a d’aborder tous les petits soucis de la vie.
Prendre refuge avec foi dans les trois joyaux permet d’avoir des intuitions pour guider sa vie. Une chant Indien dit : « Rien n’existe, rien ne m’appartient, je ne suis pas le corps, pas le mental, je suis le moi suprême ».
Si nous abandonnons notre volonté à cette intelligence transcendante, nous serons aidé d’une manière mystérieuse, comme si tout arrivait au bon moment selon une sagesse qui nous dépasse.
Un mystique Indien Ramdas raconte dans ses carnets de pèlerinage de moine errant, comment il vivait, sans rien posséder, en confiant sa vie à Dieu.
Parfois Dieu veut ceci, parfois il ne veut pas cela, parfois il parait changer d’avis. Dans tous les temples de l’Inde où il va, Ramdas suit son inspiration et connaît des rencontres extraordinaires qui lui apportent le gîte et le couvert. Cela arrive aussi au Japon pendant le pèlerinage à pied des 88 temples de Shikoku, il y a des rêves et des rencontres qui font réfléchir et parfois des guérisons mystérieuses.
Cet abandon de la volonté personnelle est une étape de l’évolution spirituelle dont parlent tous les mystiques, cela parait difficile à accepter pour quelqu’un de rationnel. Pourtant si on a la foi tout vient au bon moment et on s’adapte à chaque instant. Ne pas être rigide a des avantages puisqu’on attends rien on reste sans déception, ni mécontentement, on garde la tendresse humaine et le sens de l’intelligence du moment.
Le monde des religieux est mystérieux, vu de l’extérieur un moine peut donner l’impression de vivre très seul, mais lui-même peut se sentir au contact d’une force qui oriente toute son activité avec justesse. Alors la compassion devient une action d’autant plus efficace qu’elle est inspirée.
La compassion de Fudo-myôô
Parfois il ne faut pas être bon, il faut être juste et donc sévère.
Dans le monde des affaires ou de la politique, les relations humaines n’évoluent pas sur le mode émotif et amicale, il y a des adversaires, des menteurs, des manipulateurs, des profiteurs. Dans ce cas la compassion ne doit pas être de la faiblesse, il faut la rigueur de Fudo-myôô pour durcir le cœur et lui donner de la précision dans l’action afin d’être irréprochable et poursuivre l’action efficacement.
Si dans un hôpital quelqu’un fait mal son travail ce n’est pas avoir de la compassion que de le garder, c’est juste être irresponsable et criminel pour les malades. De même si des parents cèdent à tous les caprices des enfants ils ne sont pas de bons éducateurs, plus tard ils le regretteront.
Il ne faut donc jamais laisser passer une erreur, il faut la corriger tout de suite parce qu’elle va s’étendre et passer à un autre niveau. Si par exemple on commence à fumer dans un lieu sacré, cela peut devenir une habitude bien ancrée qui va se généraliser et permettre encore d’autres abus. Si c’est accepté ici, alors pourquoi pas là-bas, pour corriger la confrontation est donc nécessaire car il est facile de chuter et difficile de monter.
Tout dépens du contexte et des buts recherchés, pour savoir ce qui peut être toléré ou pas dans une entreprise. Il faut de l’intelligence au cas par cas et une surveillance permanente avec des évaluations qui permettent de rectifier les erreurs.
Ce n’est pas être compatissant de dire que tout va bien quand les résultats ne sont pas là. Il faut observer pour comprendre ce qui ne va pas, sermonner s’il y a de la paresse et puis s’il y a récidive punir ou rejeter ceux qui ne sont pas à leur place ou qui ne veulent pas changer.
La vie est une compétition pour la survie, parfois la sévérité qui dit la vérité et pousse les individus à se dépasser, c’est la compassion. Il s’agit de former des hommes complets idéalistes et réalistes à la fois, la tête dans les étoiles et les pieds sur terre. Les qualités d’intelligence, de force, de courage seules, ne suffisent pas pour s’exprimer utilement, il faut de la sagesse pour savoir comment les utiliser pour faire du bien. Les seules bonnes intentions ne suffisent pas non plus, il faut aussi développer l’intelligence, la force et le courage pour qu’elles puissent se réaliser.
La rigueur est parfois nécessaire comme stimulant.

La compassion et Fukushima
Diriger un pays n’est certainement pas facile, il y a tellement de contraintes simultanées à remplir.
Le Japon n’a pas de ressources en minerai ou pétrole, il est entièrement dépendant de son commerce extérieur, sa richesse c’est la capacité de travail de sa population.
On comprend que le gouvernement ne veut pas désespérer les cultivateurs du Nord du Japon où la radioactivité est la plus forte. Ils ne sont pour rien dans la catastrophe de Fukushima, mais faut il continuer à vendre des produits contaminés à la population japonaise ou à l’étranger en sachant que dans dix ou vingt ans, peut-être même avant, des cancers vont se développer un peu partout dans les organismes ?
C’est un crime, contre les enfants qui sont particulièrement vulnérables aux radiations des aliments qu’ils absorbent et qui se fixent d’autant mieux dans leur corps, qu’ils sont entrain de grandir.
La compassion doit elle aller d’abord aux cultivateurs ou à la jeunesse et toute la population ?
L’avenir du Japon parait compromis si on ne gère les problèmes actuels que d’un point de vue économique. Qui fera tourner les usines ? Quels ingénieurs trouveront des processus nouveaux de fabrication pour vendre à l’export si la maladie ronge leurs forces et leur volonté et détruit leur cerveau ? Qui fera naître des enfants sains pour renouveler la population ?
Les effets de la radioactivité ne sont pas immédiats. Maintenant, 25 ans après Tchernobyl, en France et dans toute l’Europe les cancers de la peau et de la thyroïde se sont multipliés.
A la centrale de Fukushima, il y a une réaction nucléaire à l’air libre qui pollue chaque jour l’air et l’eau, ensuite les particules radioactives se répandent sur tout le Japon et aussi dans l’océan Pacifique.
La côte est contaminée et lentement la radioactivité touche aussi les côtes du continent américain. La durée de vie de certaines particules est très longue, par exemple pour le plutonium des milliers d’années, le Césium lui disparaîtra en 300 ans.
Fukushima risque de polluer lentement toute la terre, c’est donc bien un problème mondial et pas seulement japonais. Dix jours après l’explosion des centrales de l’iode radioactif était au dessus de Paris !
Le Japon doit obtenir l’aide du monde entier pour se protéger en construisant un sarcophage qui enferme le réacteur et empêche les émanations radioactives de continuer à se répandre.
C’est une évidence que le Japon ne peut utiliser l’énergie nucléaire à cause des tremblements de terre, il faut arrêter le nucléaire.
Deux ans avant Fukushima il y a eu un tremblement de terre à Nigata dans le nord du Japon et là aussi les grands tubes suspendus dans les cuves qui contiennent empilées les galettes de combustibles radioactif se sont cassés sous les secousses. Les galettes se sont répandues au fond des cuves et heureusement elles ne sont pas tombées les unes près des autres. Donc il n’y a pas eu de commencement de réaction en chaîne comme à Fukushima où la chaleur dégagée a fait fondre le fond des cuves.
On aurait pu alors réfléchir et décider avec bon sens de stopper les centrales en pensant qu’on avait eu beaucoup de chance mais on ne l’a pas fait, l’avis des ingénieurs compte peu devant celui des économistes ! Il n’était pas possible de revenir sur des investissements financiers nationaux importants fondés sur des contrats internationaux, la catastrophe était donc programmée.
Quand les groupes économiques ou de la finance dominent, ils deviennent autonomes et ne sont plus au service des hommes, c’est une inversion des valeurs qui conduit au désastre.
Dans une bonne intention, le gouvernement veut redonner l’espoir au pays par les jeux olympiques de Tôkyô, c’est une manière de dire : « Tout va bien, tout est redevenu comme avant ». C’est une manière de nier la réalité, mais le réveil sera cruel car les faits sont têtus. L’eau et l’air de Tôkyô sont fortement contaminés, l’eau vient des rivières qui coulent du Nord et marcher dans les rues signifie absorber des particules par les poumons qui se fixeront ensuite dans le corps. Ce n’est pas gentil de faire venir du monde entier des athlètes jeunes qui risquent d’être contaminés !
Des hommes de haute stature morale comme les professeurs Koïdé et Kodama et d’autres en France comme Bruno Chareyron de la CRIRRAD disent la vérité avec courage sur le risque nucléaire, leurs conférences sont sur le Net. J’espère qu’un jour, ils seront reconnus et récompensés pour leur grande compassion et leur sens éthique. Ils informent la population pour qu’elle se protège elle même et que le gouvernement prenne de bonnes décisions.
Personnellement, je pense que le plus important est de surveiller attentivement la qualité de la nourriture des plus jeunes. Les conditions de la radioactivité dans le pays ne changeront plus avant des centaines d’années, vivre au nord est devenu « plus » risqué. Autant que possible, il faudrait déplacer cette jeunesse vers le sud en créant des emplois dans un nouveau pôle industriel et culturel, par exemple à Shikoku, qui pourrait ainsi devenir une nouvelle capitale pour la population jeune du Japon.
L’amour et la compassion sont nécessaires à l’humanité,
Ce n’est pas un luxe, sans elle l’humanité disparaîtra.
Le Dalaï Lama

Yukai Senseï